Dans les plaines semi-arides du nord du Cameroun, chaque graine semée est un pari contre le climat. Les pluies imprévisibles, les sols appauvris et la pression climatique croissante ont transformé la culture en un acte d’espoir — souvent accompagné de pertes et de déceptions.
Mais une innovation simple et peu coûteuse change la donne : les graines enrobées.
« Dans le nord du Cameroun, la saison des pluies est souvent courte et imprévisible. Les pluies arrivent tard, peuvent s’interrompre en milieu de saison et se terminent souvent plus tôt que prévu », explique Kabirou Mohammadou, climatologue au sein du projet Innovation pour l’adaptation aux changements climatiques (INNOVACC). « Cela rend difficile pour les agriculteurs d’obtenir même des rendements minimaux. »
L’un des plus grands défis, ajoute Kabirou, est que les graines ne parviennent souvent pas à germer avant que les conditions ne mettent fin à leur chance de pousser.
« Nous avons cherché une innovation qui permettrait aux agriculteurs d’assurer au moins une partie de la production attendue, même dans ces conditions difficiles — et nous avons pensé aux graines enrobées », conclut-il.
Comprendre les bases: qu’est-ce qu’une graine enrobée, comment est-elle fabriquée et utilisée ?
Les graines enrobées sont de petites sphères d’argile, de matière organique et de graines, conçues pour protéger les semences et améliorer leur germination dans des conditions difficiles.
Elles protègent les graines contre les oiseaux, la sécheresse et les ravageurs, leur donnant de meilleures chances de germer lorsque les pluies arrivent.
Dans le nord du Cameroun, le mélange d’enrobage comprend généralement de l’argile, du compost ou du fumier, de la cendre et une infusion à base de plantes (à partir de feuilles de neem et de kele), qui apporte une texture collante et une résistance naturelle aux parasites.
Pour préparer les graines enrobées, les graines — agricoles ou forestières — sont placées dans un récipient, de préférence un seau, avant d’ajouter les ingrédients.
Les ingrédients secs sont versés d’abord, suivis des ingrédients humides, principalement de l’eau.
Le mélange est ensuite agité en mouvement circulaire jusqu’à ce que toutes les graines soient bien enrobées.
Une fois enrobées, les graines sont laissées à sécher à l’ombre pendant 24 à 48 heures avant le semis. Après séchage, les graines enrobées sont prêtes à être emmenées aux champs.
Aucune excavation n’est nécessaire : les agriculteurs les dispersent simplement à la surface souhaitée.
Démonstration de la fabrication de graines enrobées dans le nord du Cameroun lors d’une session de formation du projet INNOVACC.
« En cherchant des solutions, nous avons compris que cette technique convenait parfaitement aux régimes pluviométriques de la région, car elle permet aux agriculteurs d’éviter les resemis », commente Kabirou.
Des essais aux champs
Le projet a lancé ses premiers essais dans le village de Gambour, l’un des six villages climato-intelligents, en utilisant des graines d’acacia — une espèce robuste et résistante à la sécheresse.
« Nous n’avons même pas eu besoin de creuser », se souvient Kabirou.
« Nous avons simplement dispersé les graines enrobées en rangées. Quelques semaines plus tard, la germination avait commencé — sans resemis. »
Encouragée par ce succès, l’équipe a étendu l’expérience à un deuxième essai dans le village de Tolloré, cette fois avec du maïs. Les membres de la communauté se sont réunis autour des chercheurs pour apprendre et reproduire la technique sur leurs propres champs.
Des membres de la communauté découvrent la technique des graines enrobées dans le nord du Cameroun avec l’appui des chercheurs du projet INNOVACC. Photo : Laurianne Mefan / CIFOR-ICRAF
« Avec le stress climatique que ces communautés subissent chaque jour, il est gratifiant de voir qu’une technique si simple — et apparemment modeste — peut provoquer un changement majeur », déclare Kabirou. « Pour nous, c’est une solution vitale. »
Les graines enrobées sont désormais testées plus largement sur les sites du projet INNOVACC. En réduisant les pertes de semences, en limitant le besoin de ressemis et en aidant les cultures à mieux s’établir, cette technique offre aux agriculteurs un moyen d’adaptation à faible coût.
Dans une région où le climat semble souvent être un adversaire, les graines enrobées portent une promesse puissante : la résilience, une graine à la fois.
Remerciements
Cette recherche a été menée dans le cadre du projet INNOVACC (Innovation pour l’adaptation au changement climatique), un projet multipartite mis en œuvre par CIFOR-ICRAF, CIRAD, IRAD et FONDEM. INNOVACC est déployé dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord du Cameroun avec le financement de l’Union européenne.








